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HUMANITAIRE 

Réfugiés : pas assez de place, pas assez d’eau

YANN MENS16/04/2020, Alter Eco

Parmi les oubliés de la crise sanitaire, figurent les réfugiés, dont la prise en charge par les organisations humanitaires a tout du casse-tête.

 

L'article date d'il y a trois semaines maintenant, hélas il n'a rien perdu de son actualité. Les réfugiés, les grands oublié-es. Ignorés des médias comme des politiques, européennes ou nationales, alors que pas un 20h n'évoquait les turpitudes d'Erdogan et son chantage aux migrants se pressant aux frontières européennes qu'ils voulaient franchir Erdogan ou pas. Maintenant, tombé-es dans l'oubli des grandes rédactions, c'est comme s'ils existaient plus, ou comme si leurs destins, face à nos morts et malades, étaient quantités négligeables. Et seraient-ils immunisés contre le Covid 19, et bien au regard de leurs conditions de vie, il vaudrait mieux ! Un point d'eau pour 1300 habitants du camp de Moria sur l’île grecque de Lesbos... 

Il faut relever ce salutaire effort de l'UE en direction des mineurs : des pays européens dont l'Allemagne, la France, l'Autriche, l'Espagne, et le Bénélux se sont engagés à accueillir 1600 mineurs, et le Luxembourg s'est dite formellement prête à en accueillir ...12 ! La générosité les tuera, ou des grands familles ont chiffré leur futur besoin en petits personnels, la domesticité, hélas déjà largement occupés par d'autres populations défavorisées. Les pays de l'Europe de l'Est n'accueilleront aucun migrant, à plus forte raison s'ils sont jeunes ; la peur du Grand Remplacement...

Un pays européen a fait un effort particulier vis à vis des migrants ces dernier temps : Malte. Il affrète des bateaux et chalutiers pour mieux repousser les embarcations de réfugié-es vers les côtes libyennes.

Et à longueur d'antennes, on nous chante les grandes vertus de la Solidarité, même les grandes marques et assurances s'y mettent : acheter une Renault électrique c'est en solidarité avec les générations futurs, etc...  Ac


 

 

Garder ses distances ? Très bien, mais il faut un minimum d’espace pour ça. Se laver les mains ? Parfait, mais comment faire sans savon et lorsque l’eau est rare. Dans certaines parties du camp de réfugiés de Moria, situé sur l’île grecque de Lesbos, au moment où l’épidémie de Covid-19 a commencé à frapper l’Europe, il y avait un point d’eau pour 1 300 habitants, rappelle Médecins sans frontières (MSF). « Ici, les mesures préventives sont perçues par les gens comme une vaste blagueexplique Marco Sandrone, coordinateur terrain de l’organisation médicale. Comment peut-on demander à quelqu’un de s’isoler dans sa chambre quand il vit dans une tente ? » Jusqu’à présent, on dénombre peu de cas de Covid-19 à travers le monde parmi les populations réfugiées (30 millions de personnes) et déplacées (40 millions), mais Moria et les autres camps de réfugiés des îles grecques sont un exemple (extrême ?) de ce qui risquent d’advenir de ces populations si le Covid-19 frappe durement les régions où elles sont les plus nombreuses. « C’est-à-dire les pays à revenus faible ou moyen, puisque ce sont eux qui accueillent plus de 80 % des réfugiés et déplacés », rappelle Céline Schmitt, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en France.


 

Décongestion

Dans le cas de Moria et des autres camps des îles grecques, l’une des solutions consisterait à décongestionner des sites qui accueillent 40 000 personnes alors qu’ils n’ont la capacité de n’en recevoir que 6 000. Mais le gouvernement grec se refuse à transférer ces réfugiés sur la partie continentale du pays où les conditions d’accueil pourraient être meilleures parce qu’il craint que cela incite de nouveaux réfugiés à venir de Turquie. Quant aux gouvernements des autres pays de l’Union européenne (UE), ils ne semblent pas disposés à se répartir ces migrants en grand danger. « Depuis plusieurs années, nous-même et d’autres organisations européennes réclamons une évacuation de ces camps, rappelle Pål Nesse, conseiller principal au Norwegian Refugee Council. Au vu du nombre de personnes concernées, cela n’est pas du tout insurmontable pour les pays européens. Mais ils ne bougent pas. Début mars, huit Etats membres de l’UE s’étaient engagés à accueillir 1 600 mineurs non accompagnés venus de ces camps. A ce jour, seul le Luxembourg a formellement accepté d’en recevoir douze… »


 

Certes, seuls 30 % environ des réfugiés et déplacés de par le monde habitent dans des camps. En Turquie par exemple, la quasi-totalité des 3,6 millions d’exilés syriens vivent au milieu de la population. Mais étant donné leurs difficultés d’accès à l’emploi ou les maigres revenus qu’ils tirent de leur travail dans le secteur informel, ils occupent souvent des logements exigus, mal équipés, où la distanciation sociale est aussi extrêmement difficile. Idem pour les 900 000 Syriens exilés au Liban. Et l’accès aux soins peut être difficile pour des réfugiés et déplacés hors camps s’ils ne possèdent pas un titre légal de résidence dans le pays d’accueil. « Il est important, insiste Céline Schmitt, que les plans que les différents gouvernements mettent en place aujourd’hui pour faire face à l’épidémie prennent en compte les réfugiés, et pas seulement leurs propres citoyens. » Car l’épidémie de Covid-19 ne respecte pas ses subtils distinguos juridiques. Pas plus qu’elle n’épargne les personnes enfermées dans des centres de détention, comme c’est le cas de nombreux migrants en Libye.

La prise en charge des exilés est d’autant plus nécessaire que leur nombre ne va pas s’arrêter de grossir par miracle. Contrairement à ce que l’omniprésence de contenus liés à l’épidémie de Covid-19 dans les médias pourrait laisser penser, les conflits dans le monde n’ont pas cessé. L’appel lancé le 27 mars par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à un cessez le feu mondial pour que tous les pays puissent affronter le Covid-19 n’a été que moyennement entendu. Dans le Sahel, par exemple, où des Etats comme le Mali ou le Burkina Faso combattent des groupes jihadistes. Ou en Libye, que des migrants tentent toujours de quitter par bateau pour gagner l’Europe. Ce qui a changé en revanche, c’est que pour tenter de freiner l’épidémie, de nombreux États ont fermé leurs frontières. Ce qui empêche des exilés de trouver refuge sur leur sol. Ce qui entrave aussi les déplacements des personnels humanitaires à travers la planète.

Moyens limités

 

COMMENTAIRES RÉCENTS (1)

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Dans le contexte de l’épidémie, les moyens dont disposent ces organisations humanitaires pour venir en aide aux réfugiés et aux déplacés sont limités. Déplacer les populations de camps surpeuplés est politiquement difficile, comme le montre l’exemple de Moria. Agrandir le périmètre des sites paraît, à court terme, peu envisageable. A défaut de pousser les clôtures, les organisations humanitaires disposent de trois outils principaux pour essayer de prévenir au moins la contagion du Covid-19 : l’information, l’eau et le savon.

 

« L’information est vitale, insiste Pål Nesse. Il faut expliquer de manière claire et accessible aux réfugiés et aux déplacés comment le Covid-19 se diffuse, ce que chacun peut faire pour essayer de se protéger. » Encore faut-il que le langage employé soit compréhensible et que la confiance règne pour convaincre. L’une des plus grandes concentrations de réfugiés du monde, et donc l’une des plus préoccupantes dans le cadre de l’épidémie, se trouve au Bangladesh, à la frontière du Myanmar (Birmanie). Le 9 avril, le gouvernement bangladeshi l’a d’ailleurs mise en quarantaine. Situé dans le district de Cox’s Bazar, cet ensemble de camps accueille environ un million de réfugiés rohingyas, un groupe de confession musulmane chassé de Birmanie par des exactions de l’armée de ce pays, en 2017 surtout. Des enquêtes préalables à l’épidémie actuelle ont montré que les langues parlées au Bangladesh dans lesquelles les agents humanitaires s’adressent souvent à ces exilés sont difficilement compréhensibles pour eux. Et que de nombreux réfugiés jugent que les soins, gratuits, qui leur sont dispensés par les organisations non gouvernementales (ONG) ne sont pas d’assez bonne qualité. Du coup, certains d’entre eux préfèrent chercher des praticiens extérieurs aux camps, quitte à s’endetter pour les payer. Il y a donc un risque qu’une partie de ces populations n’entendent pas les messages de prévention : « Faire passer aujourd’hui de tels messages concernant le Covid-19 exige d’avoir déjà établi une relation de confiance avec les réfugiés, confirme Céline Schmitt. Pour ce faire, nous travaillons de longue date avec des réfugiés bénévoles dans les camps. »

Enseigner les gestes barrière, convaincre de leur utilité, c’est un préalable indispensable. Donner aux réfugiés et aux déplacés les moyens de se laver les mains est tout aussi nécessaire. « Fournir du savon à ces populations, c’est relativement peu coûteux », estime Pål Nesse.  « Et c’est une denrée disponible sur les marchés locaux, en temps normal en tout cas, ajoute Alexandre Giraud, directeur général de l’ONG française Solidarités International. Pour l’eau, c’est plus compliqué, d’autant que beaucoup de réfugiés et déplacés vivent dans des zones arides comme le Sahel ou le Yémen. Hors période d’épidémie, on estime qu’il faut 15 litres d’eau par jour et par personne. Ce qui représente par exemple 500 personnes pour une pompe manuelle. Même si le lavage des mains ne représente qu’une partie faible des besoins quotidiens, le fait que sa fréquence doive augmenter va accroître les quantités nécessaires. Le moyen le plus rapide pour y répondre, ce sont des livraisons par camion-citerne, mais c’est une méthode onéreuse et qui n’est pas pérenne, contrairement aux forages, plus longs à mettre en place. »

Comment isoler ?

Lorsque les gestes barrière n’ont pas suffi, qu’un réfugié présente des symptômes du Covid-19, une hypothèse d’autant plus probable que les maladies respiratoires sont souvent présentes dans les camps, il faut l’isoler pour limiter la contagion. Des ONG prévoient de construire des espaces ad hoc dans des camps. Mais là encore, comme l’ont montré d’autres épidémies, et notamment celle d’Ebola où des malades se voyaient mis soudain à l’écart dans des centres de traitement où parfois ils décédaient, il pourrait être difficile de convaincre les populations d’accepter d’être confinés si de tels espaces sont assimilés par la population à des antichambres vers la mort. Avec le risque que des personnes qui éprouvent des symptômes du Covid-19 ne les déclarent pas. Quant à la question des traitements lourds pour les personnes les plus touchées, elle est d’autant plus compliquée pour les réfugiés et déplacés que beaucoup vivent dans des zones isolées loin de tout hôpital. Ou dans des zones de guerre comme le nord de la Syrie ou le Yémen, dont les structures sanitaires ont été systématiquement bombardées.

 

Les longues files d’attente des distributions d’aide sont elles-mêmes un lieu de contagion possible
 

Twitter

Si, par ailleurs, le confinement est imposé à un camp par décision du gouvernement local, il sera aussi difficile à respecter que pour toutes les populations pour lesquelles le travail à distance est impossible. Parfois dépendants de distributions de nourriture effectuées par des agences humanitaires, les réfugiés et les déplacés risquent de l’être encore plus s’ils sont privés d’emploi. Problème : à condition que la nourriture soit disponible, les longues files d’attente des distributions d’aide sont elles-mêmes un lieu de contagion possible. Raison pour laquelle les organisations humanitaires s’organisent afin d’étaler au maximum ces distributions dans les journées ou les semaines. « Depuis plusieurs années déjà, des organisations humanitaires fournissent plutôt de l’argent aux réfugiés et déplacés pour qu’ils achètent eux-mêmes leur nourriture, mais cette méthode-là peut aussi trouver ses limites si les filières agricoles sont désorganisées et que les marchés locaux ne sont plus approvisionnés », observe Alexandre Giraud. « En Afrique de l’Est, les récoltes ont déjà été dévastées depuis plusieurs mois par les criquets pèlerins qui se sont abattus sur la région », rappelle Pål Nesse.

 

L’épidémie de Covid-19 est venue s’ajouter aux problèmes des réfugiés et des déplacés auxquels les organisations humanitaires tentent de répondre. D’ores et déjà, certaines d’entre elles ont renoncé à une partie de leurs programmes, éducatifs par exemple, pour réorienter leurs moyens vers la lutte contre l’épidémie. « Les bailleurs de fonds, tels les Etats, qui nous apportent des financements pour des programmes précis, sont généralement compréhensifs », reconnaît Pål Nesse. Mais ce ne peut être qu’un palliatif provisoire si l’épidémie prend de l’ampleur. D’autant qu’à la faveur de la crise sanitaire, les prix des équipements, médicaux par exemple, ont souvent flambé. Comme beaucoup d’acteurs humanitaires, le HCR a ainsi lancé le 26 mars un appel de fonds de 255 millions de dollars. Deux tiers de ce montant ont déjà été couverts par des Etats, l’Union européenne, des entreprises et des donateurs privés. Mais il en faudra sans doute bien plus pour venir à l’aide de 70 millions de personnes menacées.


 

 

Tag(s) : #Covid 19, conséquences, #Capitalisme, #Eco, #Ici gît... la Solidarité, #Sociale
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