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FIN D'UN ELDORADO

 

Le blues des cow-boys du schiste américain
Par Lucas Mediavilla,
 
 
 
 
Sur les 10 900 nouveaux puits prévus en 2020 aux Etats-Unis, seuls 5 100 pourraient finalement être forés, selon Rystad Energy.

Lourdement endettés, les producteurs américains de pétrole de schiste subissent le plongeon des cours de l'or noir, à leur plus bas niveau depuis près de dix-huit ans.

Au Texas, si les chevalets de pompage ne sont pas encore à l'arrêt, les trépans et autres tubes de forage ont été remisés en espérant des jours meilleurs. Dans le Bassin permien, vaste zone s'étendant à l'ouest de l'Etat et devenue en 2019 la plus importante région de production d'hydrocarbures au monde, les cow-boys du schiste ont le moral en berne. En l'espace de trois semaines, les cours de l'or noir ont quasiment été divisés par deux. 

La première secousse est venue de Chine, où la paralysie de l'activité a provoqué l'effondrement de la demande mondiale en pétrole. Puis c'est l'échec des négociations entre Moscou et Riyad pour réguler la production, le 7 mars dernier, qui a précipité les prix dans le vide. A moins de 27 dollars le baril pour le brent, les cours sont au plus bas depuis dix-huit ans.  

Une situation intenable pour bon nombre de compagnies pétrolières américaines qui ont fleuri ces dernières années en exploitant le filon du pétrole de schiste. Avec de tels prix, seules quelques-unes d'entre elles sont en mesure de couvrir ne serait-ce que leurs coûts d'exploitation. 

Éliminer les producteurs américains

Traumatisant pour les producteurs américains, cet effondrement est vu d'un bon oeil par la Russie. En faisant pression à la baisse sur les prix, le Kremlin voit là une opportunité de contrebalancer les sanctions de Washington sur certaines de ses sociétés pétrolières en éliminant les petits producteurs rivaux. Lesquels n'ont d'autre choix que d'allumer des contre-feux. Pas un jour sans qu'une compagnie n'annonce le renvoi temporaire de ses salariés chez eux, une coupe drastique dans ses dépenses d'investissement ou une baisse de ses dividendes (- 86 % pour le leader, Occidental Petroleum). Sur les 10 900 nouveaux puits qui devaient être creusés en 2020 aux Etats-Unis, seuls 5 100 pourraient finalement apparaître, selon Rystad Energy. 

LIRE AUSSI >> Coronavirus : la BCE sort le bazooka monétaire pour soutenir l'économie  

 
 

Problème, ce choc arrive à un moment déjà critique pour l'industrie, lourdement endettée. Les compagnies pétrolières nord-américaines devront rembourser 200 milliards de dollars à leurs créanciers dans les quatre prochaines années, dont 40 milliards rien que pour l'année 2020, selon une étude récente de Moody's.  

Industrie déficitaire

Tout sauf une promenade de santé pour une industrie historiquement déficitaire. "Malgré leurs efforts pour réduire les coûts après la chute des prix en 2014, les entreprises du schiste n'ont, dans leur ensemble, pas dégagé un seul trimestre de bénéfice depuis 2008", résume Benjamin Louvet, gérant spécialiste matières premières chez OFI Asset Management. 

La réticence des banques et des fonds d'investissement à accorder de nouvelles lignes de crédit pourrait envoyer au tapis bon nombre de producteurs dans les prochains

mois.

Art Presse

 

 

Le déficit tient aux spécificités de ce pétrole dit non conventionnel. Le taux de déplétion (d'épuisement) d'un puits de schiste peut atteindre 40 % après une seule année de production, contre 5 % à 6 % pour un puits classique, chiffre le cadre d'une société pétrolière. "C'est une activité qui a besoin de réinvestir à un rythme effréné en forant en permanence de nouveaux puits pour maintenir la production." 

Découverte dans les années 1950, la fracturation hydraulique qui permet de remonter le pétrole des roches mères a longtemps été jugée trop chère pour justifier un déploiement à grande échelle. Ce n'est qu'à partir de 2012, avec un baril au-dessus des 100 dollars et une baisse massive des taux d'intérêt que le schiste a pris son essor, élevant les Etats-Unis au rang de premier producteur mondial de pétrole en l'espace de dix ans. 

Fin du boom du schiste ?
 

Mais cette ruée vers l'or noir semble toucher ses limites. La réticence des banques et des fonds d'investissement à accorder de nouvelles lignes de crédit pourrait envoyer au tapis bon nombre de producteurs dans les prochains mois. Déjà en 2019, et selon le baromètre d'un cabinet d'avocats du pays, 42 compagnies nord-américaines du secteur se sont déclarées en faillite.  

 

D'ores et déjà, la riposte s'organise dans les Etats producteurs, où certains sénateurs ont demandé à Donald Trump d'imposer un embargo sur le pétrole russe et sur celui des pays de l'Opep, afin de faire remonter les prix. Le président américain, pour sa part, a laissé entendre qu'il s'impliquerait au "moment opportun" pour soutenir les cours, affirmant qu'il cherchait encore un "terrain d'entente" dans cette guerre des prix.  

Tag(s) : #Capitalisme, #Divers, #Eco
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