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La France est un État de droit, sans aucun doute, le RN n'est pas encore au pouvoir. Pourtant, parfois, on peut en douter, ne parlons pas de l'affaire Benalla, mais d'un projet de contournement autoroutier destructeur du coté de Strasbourg. Avant même que tous les organismes concernés dans la prise de décision se soient prononcés, Macron avait promis à Vinci ; faites passer le message à vos actionnaires ! Il est entendu qu'en France on ne parle jamais de corruption, ça c'est bon pour le Venezuela, l'Algérie, et compagnie. Et pourtant, fait rare, alors même que l'enquête publique a rendu un avis négatif, que des procédures sont lancées tant au niveau national qu'européen, et qu'elles ont de grandes chances d'aboutir, c'est à dire de confirmer l'avis de l'enquête publique, quand les tribunaux s'exprimeront, il sera trop tard ! Le chantier sera déjà largement commencé, les dégâts déjà causés irréversibles.

De quoi parle—ton ? De quelques 200 hectares de terres agricoles, auxquelles il faut ajouter 250 qui seront directement impactés par le projet. Comme vous pourrez le lire dans cet articleci-dessous, c'est aussi des zones humides, 25 hectares de forêts qu'on va détruire, des espèces protégées dont on sauvera peut-être quelques spécimens qu'on mettra en éco-musée accompagnées d'un beau discours sur la préservation faunistique prononcé par François de Rugy.

C'est aussi des risques de pollution, et un choix qui ne résout rien, alors que le collectif d'opposants proposait une alternative crédible et approuvée par de nombreux experts et par la plupart des premiers concernés, les habitants. Une solution qui passait notamment par le développement des transports publics.

Mais le béton et des intérêts particuliers passent d'abord, l'écologie, Macron et les députés LREM en parlent dans les discours, et des interviews télévisés, ça fait très IN, contrairement à ces beaufs qui gueulent contre une taxe sur le diesel. L'écologie, c'est bien pour un discours sur l'Europe sur une chaîne italienne. Dans les fais, on bétonne, on détruit, et on ramasse les sous !

Pour connaître l'étendu des dégâts à venir, et les procédures en jeu, lisez cet article de Véronique Parasote. Il met en colère, mais la colère est mieux que la résignation, il peut être source d'actions !

 

AC

 

Un grand projet inutile ressorti des cartons

En Alsace, la route envers et contre tout

Avec la prise de conscience de la dégradation de l’environnement, de nombreux garde-fous et dispositifs d’expertise des grands projets ont été mis en place. Mais leur efficacité reste faible, car l’État peut s’en affranchir en toute impunité, comme le démontre le plan de contournement routier de Strasbourg.

 

 

par Véronique Parasote  , Le Monde Diplomatique, mars 2019

 


Connu sous le nom de « grand contournement ouest » (GCO) ou « contournement ouest de Strasbourg » (COS), le projet autoroutier de vingt-quatre kilomètres visant à délester la capitale alsacienne menace des terres agricoles limoneuses particulièrement fertiles et des écosystèmes forestiers ou naturels exceptionnels. Il impliquerait d’imperméabiliser 250 hectares de terres (1), ajoutés à 200 hectares d’emprise de travaux, dans une zone à la biodiversité riche.

« Agir pour le climat n’est pas une notion abstraite, insiste Alain Clappier, du laboratoire image ville environnement (LIVE), à l’université de Strasbourg. En plus de limiter nos émissions de carbone, cela implique de conserver les puits de carbone et les sources d’oxygène que sont les forêts et les zones humides, de maintenir les champs nourriciers locaux abritant une certaine biodiversité. Il faut donc aussi repenser nos modes de vie et de transport et cesser d’artificialiser les sols. »

Promis en concession au groupe Vinci, via sa filiale Arcos, ce projet d’autoroute à deux fois deux voies révolte scientifiques et citoyens, nombreux à redouter des dégâts irréparables. La mobilisation d’organisations diverses est d’autant plus forte que l’on sait, depuis la découverte du paradoxe de Braess (2), qu’ajouter une route à un réseau routier ne résout pas forcément les problèmes de trafic et de pollution induite, et peut même les aggraver. Dans le cas de Strasbourg, où il s’agit de trajets quotidiens domicile-travail, le contournement provoquerait de nouvelles difficultés d’accès par l’ouest et davantage de pollution. La priorité devrait être donnée aux transports en commun, en particulier pour les trajets locaux. Imaginé dès 1973, ce projet s’ajouterait aux liaisons existantes des deux côtés du Rhin au détriment du transport ferré et fluvial.

Les partisans de solutions davantage en accord avec les engagements internationaux de la France et les impératifs environnementaux se heurtent toutefois au déni, à la répression et aux jeux d’influence. En septembre dernier, plus de cinq cents gardes mobiles ont été appelés pour déloger quinze habitants installés dans la forêt de Kolbsheim, dans la zone à défendre (ZAD) dite « du Moulin ». Aux citoyens, élus locaux et députés européens venus protéger les arbres des premiers abattages et demander un moratoire on n’a répondu que par des jets de gaz lacrymogène.

 

Avis défavorable de la commission d’enquête

« Il s’agit du projet le plus destructeur qu’on ait jamais vu en Alsace »,résume le directeur d’Alsace Nature, M. Stéphane Giraud. Une opinion partagée par M. Nicolas Hulot lui-même : il a reconnu — après sa démission du ministère de l’écologie, en août 2018 — que le GCO était une « bêtise écologique (3) ». Le projet dans son ensemble a suscité les critiques de l’Autorité environnementale, de l’Agence française pour la biodiversité, de la commission locale de l’eau, et plusieurs avis défavorables du Conseil national de la protection de la nature. Qu’importe : ainsi que l’avait « promis » M. Emmanuel Macron dès le 17 avril 2018, soit plus de deux mois avant les conclusions de l’enquête publique, le projet a été autorisé fin août par le préfet Jean-Luc Marx.

Un avis défavorable de la commission d’enquête publique est suffisamment rare dans des dossiers de cette envergure pour que l’on s’arrête sur les conclusions de celui rendu en juin 2018 : le concessionnaire a présenté un dossier incomplet et peu clair, qui ne rend le projet envisageable que par l’octroi à la légère de deux dérogations majeures, l’une à la loi sur l’eau et l’autre aux lois sur la protection des espèces (4).

L’intégrité de la nappe phréatique abreuvant en eau potable presque toute l’Alsace ainsi que la régulation naturelle des eaux de pluie dépendent du fragile équilibre des zones humides et inondables, qui servent tout à la fois de zones d’épandage, d’espaces régulateurs microclimatiques et de surfaces de filtration de l’eau. Or les bassins de rétention prévus au bord des routes sont dotés de dispositifs de filtration sommaires et submersibles en cas de crue exceptionnelle. Une compensation insuffisante des zones humides détruites amplifie ces risques de dégradation de l’eau potable. Cette lacune majeure ajoute aussi un danger d’inondation dans les villages environnants et de coulées de boue, avec une pollution possible par des produits phytosanitaires agricoles.

Des espèces menacées

Quant au bilan des atteintes aux espèces faunistiques et floristiques et à leurs habitats, il est, lui aussi, accablant : il s’agit là de perturber fortement ou de détruire des écosystèmes irremplaçables, dont 27 hectares de forêts, 45 hectares de zones humides et 11 cours d’eau, abritant 450 espèces végétales et 120 espèces animales. Outre les pertes nettes de surfaces naturelles par artificialisation, les commissaires enquêteurs relèvent que le projet nuit « au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » et qu’il « serait inexact de prétendre à l’absence de perte nette de biodiversité ».

Pour l’espèce emblématique qu’est le grand hamster d’Alsace, et pour nombre d’espèces fragiles (crapauds verts et autres batraciens, chats forestiers, lièvres, hérissons, chauves-souris, reptiles, insectes, oiseaux...), l’avenir semble bien sombre : les mesures prises pour réduire leur mise en péril sont bien souvent mal planifiées dans le temps et dans l’espace, et ont déjà été enfreintes lors des travaux de déboisement de l’automne 2018. Le projet induit en outre le remembrement de plus de cent kilomètres carrés de terres agricoles, dont l’impact environnemental n’est pour l’heure même pas évalué, alors que ces secteurs abritent une importante biodiversité courante — blaireaux, hérissons, chevreuils, oiseaux communs... —, mais aussi des espèces rares. « Perdrix grises, pies-grièches grises, cailles des blés, tariers pâtres, œillets superbes, qui s’y trouvent, sont aussi sur la liste rouge des espèces menacées ! », enrage M. Giraud.

Ce chantier hors norme se poursuit tambour battant, avec le soutien actif de l’État, alors que le tribunal administratif de Strasbourg et le Conseil d’État doivent encore se prononcer sur plusieurs procédures. Une plainte suit également son cours contre la décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) de participer au financement du projet. Mais le droit à un recours effectif est mis en cause lorsque les jugements interviennent... après la réalisation des travaux.

Véronique Parasote Journaliste.

(1Les chiffres de cet article sont extraits des expertises de l’Agence française pour la biodiversité, des rapports du Conseil national de la protection de la nature et de l’autorisation unique préfectorale d’août 2018.

(2Le mathématicien Dietrich Braess a démontré en 1968 qu’une extension du réseau routier pouvait entraîner une redistribution du réseau et des temps de trajet plus longs. Ce paradoxe s’est vérifié à de nombreuses reprises, notamment à Séoul, à Stuttgart ou à New York, villes où la fermeture d’une route a rendu le trafic plus fluide.

(3« L’émission politique », France 2, 22 novembre 2018.

(4Solange Garin, Guy Humbert, Julie Knepfler-Mahler, Gilbert Rinckel et Joël Baptiste, « Enquête publique. contournement ouest de Strasbourg. Deuxième partie : avis motivé et conclusion » (PDF), 27 juin 2018

 

Tag(s) : #Ecologie - environnement, #En lutte
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